A trois jours du second tour et au lendemain du débat télévisé ayant opposé Marine Le Pen et Emmanuel Macron, quel est le rapport de forces entre les deux finalistes ? Dans quel état d’esprit les électeurs de Jean-Luc Mélenchon sont-ils ? Notre enquête, réalisée après le débat, témoigne d’une situation favorable pour Emmanuel Macron, dans un contexte toutefois nettement plus compliqué qu’en 2017. Découvrez les principaux résultats de notre 15ème vague d’enquêtes pré-électorales en partenariat avec Orange et RTL.
emmanuel macron : rapport de force plus serré qu’en 2017
- Interrogés dans la journée du 21 avril, soit au lendemain du débat, les Français se prononcent de façon assez nette en faveur d’Emmanuel Macron. Il est crédité de 55,5% des intentions de vote, contre 44,5% pour Marine Le Pen. Ce rapport de force est bien plus serré qu’il y a 5 ans. Le chef de l’Etat l’avait alors emporté avec 66% des suffrages. Mais Emmanuel Macron a néanmoins réussi à creuser l’écart par rapport à notre mesure réalisée après le 1er tour. Il gagne ainsi 1,5 point en une semaine et avec plus de dix points d’écart, il prend nettement l’avantage sur son adversaire.

- Cette évolution s’explique moins par le débat – il n’y a pas de différence significative d’intentions de vote entre ceux qui l’ont regardé et ceux qui ne l’ont pas regardé – que par la campagne d’entre-deux-tours. Elle a « rediabolisé » Marine Le Pen et par ricochet, légitimé Emmanuel Macron. Mais existe aussi un probable amoindrissement du mouvement de déception – voire de colère – exprimé par certains électeurs n’ayant pas vu leur candidat qualifié au lendemain du 1er tour. Les électeurs de Valérie Pécresse (48% ; +9), de Yannick Jadot (58% ; +12) mais aussi d’Anne Hidalgo (62% ; +17) et de Fabien Roussel (42% ; +7) sont bien plus nombreux qu’il y a une semaine à déclarer vouloir voter pour Emmanuel Macron.
- En revanche, les électeurs de Jean-Luc Mélenchon demeurent moins enclins à apporter leur voix au président sortant. 27% (-3) d’entre eux ont l’intention de le faire, quand 55% (+3) déclarent pour le moment vouloir voter blanc (24% ; +2) ou s’abstenir (31% ; +1). Seuls 18% voteraient pour Marine Le Pen (stable). C’est très minoritaire mais néanmoins deux fois plus qu’en 2017 (8%).
- Marine Le Pen peut compter sur le report des votes d’une très large part des électeurs d’Éric Zemmour (80%). Seulement une petite minorité d’électeurs de Jean-Luc Mélenchon (18%) et de Valérie Pécresse (21%) se reporteraient sur elle.

emmanuel macron : en position de favori
- Emmanuel Macron aborde globalement le second tour en position de favori. Il reste néanmoins devancé par Marine Le Pen dans un certain nombre de catégories de la population. Ainsi, parmi ceux qui vont aller voter, une nette majorité de jeunes (56% des moins de 35 ans), d’employés (65%), d’ouvriers (72%), de sympathisants des Gilets jaunes (76%) ou encore de personnes vivant en zone rurale (55%), ou dans des agglomérations de petite taille (53%) ont l’intention de voter pour Marine Le Pen.
- A l’heure actuelle, entre 70% et 75% des Français inscrits sur les listes électorales ont l’intention de se déplacer dans les urnes, soit 72,5% en moyenne. La participation serait donc un peu moindre qu’au premier tour (73,7%). Mais on n’observe pas de démobilisation aussi forte qu’en 2017 (de 77,8 à 74,6%). Sans doute parce que la victoire d’Emmanuel Macron semble moins acquise qu’elle ne l’était il y a 5 ans.
marine le pen : confirmation de l’amélioration de son image
- Comme on l’avait déjà constaté la semaine dernière, l’image de Marine Le Pen s’est nettement améliorée en 5 ans. Cela se confirme cette semaine. Signe que la campagne d’entre-deux tours, qui ne lui a pas été favorable, n’a guère d’impact sur son image. Elle consolide même certains points, comme le fait d’avoir des convictions profondes (70% ; +3), d’être sincère (41% ; +4) et proche des Français (42% ; +3). Sur ces dimensions, elle continue d’être perçue plus positivement qu’Emmanuel Macron (respectivement 48%, 31% et 24%).

- Elle est en revanche toujours perçue comme moins compétente que lui (37% ; -2 contre 54% ; +3) et peine toujours à asseoir sa stature présidentielle. Seuls 31% des Français la jugent crédible sur la scène internationale (vs 63% concernant Emmanuel Macron). 37% considèrent qu’elle a l’étoffe d’une présidente (59% pour Emmanuel Macron). La candidate du RN n’a pas réhaussé les jugements en sa faveur sur ces thématiques régaliennes après le débat. Mais elle n’a pas pour autant perdu de points de façon significative. Marine Le Pen continue de paraître nettement plus proche et à l’écoute des Français que le président sortant.
- Si elle était élue dimanche, 56% des Français seraient inquiets. C’est très exactement le même score qu’il y a une semaine (mais néanmoins 7 points de plus qu’avant le 1er tour).
rassemblement national : normalisation significative en 5 ans
- Certes, la campagne d’entre-deux tours a été marquée par une certaine « rediabolisation » de Marine Le Pen. Mais force est de constater que cela n’a qu’une prise marginale dans l’opinion. Elle et son parti bénéficient en effet depuis cinq ans d’une normalisation très importante. Les deux tiers des Français (65%) considèrent ainsi que le Rassemblement national est désormais un « parti comme les autres ». Ils n’étaient que 54% à penser la même chose en 2017. De même, si une majorité continue de penser qu’il s’agit d’un parti d’extrême droite (58%), c’est dans des proportions nettement moindres qu’en 2017 où 71% des Français étaient de cet avis.

Des motivations de vote différentes pour Emmanuel Macron et Marine Le Pen
- Le pouvoir d’achat (73%) et la santé (73%) restent les principaux sujets dont les Français tiendront beaucoup compte dimanche prochain. Mais ces résultats masquent des disparités importantes au sein de chaque électorat.
- L’Europe (52% contre 22% des électeurs de Marine Le Pen) et la crise ukrainienne (47% contre 28%) constituent par ailleurs des points de clivage significatifs. Tout comme, à l’inverse, l’immigration et l’identité française sont des motivations importantes du vote pour les électeurs de Marine Le Pen (69% pour les deux sujets) alors que ceux d’Emmanuel Macron en tiennent peu compte (respectivement 29% et 28%).

- Par ailleurs, si la volonté de faire barrage à l’autre candidat est un motif important de vote dans un cas comme dans l’autre, le rejet d’Emmanuel Macron semble un peu plus fort chez les électeurs de Marine le Pen (57% veulent faire barrage au président sortant) que l’inverse (51% veulent faire barrage à la candidate du Rassemblement national). Enfin, Marine le Pen est fortement choisie pour ses propositions politiques (premier motif de choix, 59%) alors qu’Emmanuel Macron est avant tout choisi pour sa stature présidentielle (64% ; 1er motif de choix). Moins de la moitié de ses électeurs potentiels (48%) le choisissent pour ses propositions politiques (3e position).
après 2d tour difficile pour Emmanuel Macron s’il est réélu
- S’il est élu dimanche prochain, Emmanuel Macron sera confronté à une population divisée, dont une part significative aura voté pour lui par défaut.
- Alors que la bataille des législatives s’ouvrira, les deux tiers des Français (66%) indiquent que s’il est élu, ils ne souhaitent pas qu’il obtienne une majorité à l’Assemblée nationale, privilégiant une cohabitation. Un choix qui s’exprime de manière particulièrement forte chez les électeurs de Jean-Luc Mélenchon (84%), en réponse à son appel à voter aux législatives pour qu’il devienne Premier ministre ; mais aussi chez les électeurs de Yannick Jadot (62%) et Valérie Pécresse (66%).

Si Emmanuel Macron peut aborder le second tour de façon relativement sereine et peut envisager d’être le premier président de la République à effectuer un deuxième mandat depuis la mise en place du quinquennat, sa prise de fonction risque donc d’être bien plus difficile qu’il y a 5 ans.