Nous voici à 10 jours du premier tour de l’élection présidentielle. Une grande incertitude semble planer sur le niveau de participation, ce qui pourrait entraîner des conséquences sur le résultat du scrutin. Pour l’heure, Emmanuel Macron continue de perdre un peu de terrain, même s’il reste largement en tête des intentions de vote, devant Marine Le Pen qui semble la mieux placée pour se qualifier à ses côtés. Jean-Luc Mélenchon confirme son statut de troisième homme. Tels sont les principaux résultats de notre 12ème vague d’enquêtes pré-électorales en partenariat avec Orange et RTL.
Un intérêt hésitant pour l’élection
- La campagne aura été atypique par bien des aspects. Après deux ans de crise sanitaire, elle peine à susciter l’intérêt des Français. Et elle se trouve en partie occultée depuis plusieurs semaines par la guerre en Ukraine. On devine une sorte de fébrilité chez les électeurs français. A la désormais traditionnelle « volatilité » du vote, qui conduit de plus en plus d’électeurs à faire un choix de plus en plus tardif, semble s’ajouter une « volatilité de la participation ». Ainsi qu’une « volatilité de l’intérêt ». Un jour oui, un jour non. Un jour, regain d’intérêt suscité par un événement de campagne ; un autre, de l’indifférence dans un contexte où de plus en plus d’électeurs ont le sentiment que leur vote ne compte pas ou que les jeux sont déjà faits.
- Cette nouvelle vague d’enquête n’échappe pas à la règle. L’intérêt pour l’élection continue son évolution en dents de scie observée depuis plusieurs semaines. Après avoir progressé de 5 points la semaine dernière, il en reperd 5 cette semaine. 69% des Français déclarent s’intéresser à l’élection présidentielle. C’est 5 points de moins qu’à dix jours du premier tour en 2017.

- A dix jours du premier tour, seuls 68% des Français inscrits sur les listes électorales sont capables de citer la date exacte du scrutin. C’est une majorité, certes… mais tout de même ! Près d’un inscrit sur trois ne sait pas que le premier tour du scrutin présidentiel se tient dans dix jours !
incertitude sur le niveau de participation
- Cet intérêt globalement en berne et hésitant aura très vraisemblablement des conséquences sur la participation le 10 avril prochain. Interrogés sur leur intention d’aller voter au premier tour, 65% des inscrits donnent la note maximale de 10 (signifiant par là qu’ils sont « tout à fait certains d’aller voter ») et 12% la note 9. En 2017, pour appréhender l’intention de participer, nous avions cumulé les notes 9 et 10. A pareille échéance du scrutin, le total était de 77% d’intention « forte » de participer, pour une participation finale de 77,77%.

- Empiriquement, nous pourrions être tentés de renouveler strictement l’addition et d’annoncer une participation proche de 2017. Or les autres indicateurs mesurés – comme l’intérêt fluctuant pour le scrutin – nous invitent à une certaine prudence.
moins d’un inscrit sur deux ira voter quoi qu’il arrive
- Certes, aujourd’hui, une proportion d’inscrits similaire à 2017 indique avoir l’intention d’aller voter, à date (77%). Mais ils peuvent encore changer d’avis ! Interrogés sur les raisons qui pourraient les conduire à ne pas voter lors du premier tour, moins d’un inscrit sur deux (46%) répond « aucune, j’irai voter quoi qu’il arrive » ! 21% des inscrits répondent qu’ils pourraient ne pas aller voter parce qu’ils ont « l’impression que les jeux sont déjà faits ». Ce score monte à 17% chez les individus qui donnent pourtant une note 10 pour qualifier leur intention d’aller voter. 18% des inscrits pourraient ne pas aller voter car ils « n’attendent pas grand-chose de cette élection, elle ne changera rien à leur quotidien ». Et 15%, parce qu’ils ont « l’impression que leur vote ne compte pas ». En revanche, seuls 7% des inscrits pourraient ne pas aller voter en fonction de la situation sanitaire. Un résultat pas davantage élevé chez les seniors (contrairement à ce qui s’était passé lors des municipales de 2020). La situation sanitaire ne semble donc pas être un frein à la participation électorale. Pour autant, plus de 7 inscrits sur 10 pensent qu’il faudrait rendre le port du masque obligatoire dans les bureaux de vote les 10 et 24 avril prochains (72%).

L’ombre de la participation différentielle
- Les électorats les plus « démobilisables », outre ceux de Jean Lassalle et Nicolas Dupont-Aignan, sont ceux d’Éric Zemmour (52%) et de Marine Le Pen (49%). 25% de leurs électeurs pourraient ne pas aller voter finalement s’ils ont le sentiment que les jeux sont déjà faits. Les électeurs les plus mobilisés sont à l’inverse ceux d’Emmanuel Macron. 7 sur 10 répondent qu’ils iront voter quoi qu’il arrive. Ceux de Jean-Luc Mélenchon oscillent entre les deux.
- On comprend bien que la participation finale – dans le meilleur des cas proche du niveau de 2017– peut venir impacter les résultats des différents candidats dont l’électorat n’a pas le même potentiel de mobilisation.
Emmanuel Macron, EN TÊTE DES INTENTIONS DE VOTE, poursuit sa baisse
- Après une forte hausse consécutive au début de la guerre en Ukraine, Emmanuel Macron poursuit sa baisse entamée la semaine dernière. Il est crédité de 27% des intentions de vote, soit une baisse d’1 point depuis la semaine dernière et de 3 points en 15 jours. Il reste toutefois pour le moment largement en tête des intentions de vote à un niveau supérieur de 3 points à son score au premier tour en avril 2017 (24%).
- Le socle électoral du Président sortant demeure le plus solide et s’affermit logiquement à mesure que le scrutin approche. 87% de ses électeurs potentiels se disent sûrs de leur choix, soit 5 points de plus que la semaine dernière.
- Comme la semaine dernière, il perd cependant un peu de terrain chez ses électeurs de 2017. 73% revoteraient pour lui (-2 en une semaine, -5 depuis la présentation de son programme). Il est en retrait aussi chez les plus jeunes qui pourraient se tourner vers Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen.

Marine Le Pen semble bénéficier d’une forme de « vote utile » à l’extrême droite
- Avec 21% des intentions de vote, la candidate du Rassemblement national poursuit sa dynamique. Elle progresse de 2 points en une semaine et de 5 points en un mois pour se rapprocher de son score de 2017. Aujourd’hui, elle semble la candidate la plus en mesure de figurer au second tour, face à Emmanuel Macron, si sa dynamique se maintient et que l’abstention ne vient pas l’entraver. Dans ce cas, le résultat serait d’ailleurs bien plus serré qu’en 2017 (et plus serré que ce que nous mesurions la semaine dernière). 54,5% pour Emmanuel Macron, contre 45,5% pour Marine Le Pen.
- Comme pour ses concurrents, son socle électoral s’affermit et reste parmi les plus solides. 81% de ses électeurs potentiels se disent sûrs de leur choix.
- Elle reste très nettement en tête chez les employés et ouvriers (37%), devant Jean-Luc Mélenchon (19%). Elle empiète désormais sur l’électorat d’Éric Zemmour. Catégorie auprès de laquelle elle peut apparaître comme « le vote utile » pour assurer la présence d’un candidat d’extrême droite au second tour. 10% des sympathisants de Réconquête ! déclarent avoir l’intention de voter pour elle au premier tour, tout comme 11% des électeurs de François Fillon. La candidate du RN remobilise par ailleurs son socle de 2017. 75% de ses électeurs de 2017 déclarent avoir à nouveau l’intention de voter pour elle contre 65% seulement début janvier.

Jean-Luc Mélenchon en dynamique mais distancé par Marine Le Pen
- Le candidat de LFI poursuit lui aussi sa progression. Crédité de 15,5% des intentions de vote, il gagne 1 point en une semaine. Sa hausse est continue depuis début février. Il a progressé de 6,5 points en l’espace de moins de deux mois. Mais pour l’heure, cela ne semble pas encore suffisant pour espérer une qualification pour le second tour.
- Son socle électoral apparaît moins solide que celui de ses deux principaux concurrents (70%) et la fermeté de choix de ses électeurs potentiels évolue d’une vague sur l’autre. Cela traduit vraisemblablement les hésitations d’une part importante des électeurs de gauche. Jean-Luc Mélenchon continue de progresser chez les sympathisants de gauche, toutes tendances confondues (passant de 43 à 45% d’intentions de vote).
Eric Zemmour et Valérie Pécresse sous la barre des 10%
- Eric Zemmour enregistre une nouvelle baisse et passe sous le seuil symbolique des 10%. Il est crédité de 9,5% des intentions de vote, (-1,5). Cette baisse profite directement à Marine Le Pen. Il ne parvient plus à convaincre que 16% des électeurs de la candidate RN de 2017 (contre un quart il y a quelques semaines) et 16% aussi des électeurs de François Fillon (contre un quart aussi lorsqu’il était mesuré à son plus haut niveau). La qualification pour le second tour ne semble plus à portée de main.
- Valérie Pécresse suit une tendance similaire. Elle perd 1 point d’intentions de vote pour passer également sous la barre des 10%, à 9,5%. Son socle électoral, plus étroit, continue de se raffermir à mesure que l’on se rapproche « du noyau dur ». 72% de ses électeurs potentiels se disent sûrs de leur choix (+8). Elle a toutefois de plus en plus de mal à reconstituer l’électorat de droite classique qui avait voté pour François Fillon en 2017. Seulement 37% d’entre eux ont l’intention de voter pour elle (-2 en une semaine). 29% ont l’intention de voter pour Emmanuel Macron (+3), 16% pour Eric Zemmour (-6) et 11% pour Marine Le Pen (+ 4 en une semaine et +8 en 15 jours). Un peu plus d’un sympathisant Les Républicains sur deux a l’intention de voter pour elle (54%).
- Les autres candidats sont crédités de 5% des intentions de vote tout au plus : 5% pour Yannick Jadot (-1), 3,5% pour Fabien Roussel (+0,5), 2,5% pour Jean Lassalle (stable) et Nicolas Dupont-Aignan (+1), 2% pour Anne Hidalgo (stable). Philippe Poutou (-0,5) et Nathalie Arthaud (+0,5) font jeu égal à 1%.

Notre indice de volatilité poursuit sa baisse mais demeure important. 35% des personnes certaines d’aller voter n’expriment ainsi pas d’intention de vote ou indiquent pouvoir encore changer d’avis. C’est 4 points de moins que la semaine dernière et un niveau strictement identique à celui que nous mesurions à 10 jours du scrutin en 2017. 10 jours de campagne. C’est ce qu’il reste pour se décider pour ce gros tiers d’électeurs qui n’a pas fait son choix… tout comme pour les électeurs qui ne savent même pas encore s’ils iront voter.